Ludovic Freygefond, maire du Taillan-Médoc et premier secrétaire de la fédération du Parti socialiste de la Gironde, traverse une période difficile. Depuis plusieurs mois, il fait l’objet d’une enquête pour harcèlement déclenchée à la suite de la plainte de son ancien directeur de cabinet. Hier, dans le cadre d’une toute autre affaire, les enquêteurs de la direction régionale de la police judiciaire ont procédé à une perquisition dans les locaux de l’hôtel de ville ainsi qu’au domicile de l’élu et au siège de la société Arcla, une SARL de Mérignac, spécialisée dans l’aménagement de terrains constructibles de taille réduite.

Les policiers ont saisi un certain nombre de documents relatifs à l’aménagement d’un lotissement sur le territoire de sa commune. Une opération immobilière qui avait permis à Ludovic Freygefond d’acquérir en juillet 2008 l’équivalent de trois lots. Il en conservera un pour faire construire sa maison et en revendra deux, réalisant au passage une plus-value supérieure à 300 000 euros. Ce qui n’est d’ailleurs pas en soi répréhensible.

L’enquête ouverte pour prise illégale d’intérêt et trafic d’influence par le parquet de Bordeaux fait suite aux dénonciations d’un élu d’opposition, François Buhr, par ailleurs conseil en gestion de patrimoine. Dans le courant de l’hiver dernier, par l’intermédiaire de son avocat, le bâtonnier Me Michel Dufranc, il a transmis à la justice diverses pièces relatives à la construction du lotissement Les Fleurs du Maynieu au Taillan-Médoc où réside Ludovic Freygefond. Il reproche au maire « d’avoir à chaque étape de l’opération pris un intérêt personnel suspect ».

L’opération pilotée par la société Arcla concernait des terres appartenant aux descendants de la famille Cruse, une célèbre lignée de viticulteurs médocains. « Nous étions en indivision et nous souhaitions le vendre au prix du marché sans manque à gagner, explique Armelle Cruse. Nous étions en contact avec la société Arcla. Finalement, il y a eu deux acquéreurs. » Comment Ludovic Freygefond s’est-il immiscé dans la transaction ? « Sans doute à sa demande », précise Armelle Cruse, sans pouvoir être affirmative. Mais il est vrai que toute vente de terrain est suspendue à un accord de la mairie. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a eu aucune remise parce que c’était Monsieur le maire. Tout a été vendu à 50 euros le mètre carré.

Le terrain était constructible mais le lotissement nécessitait la délivrance d’une autorisation de lotir par la mairie. Les enquêteurs de la division des affaires économiques et financières de la police judiciaire cherchent à savoir si l’élu a conditionné son autorisation à la possibilité d’acquérir les trois lots. Leur curiosité est aiguisée par les documents remis par François Buhr, l’opposant du maire, qui ne se représentera pas lors des prochaines municipales. Certaines des publicités commerciales effectuées par la société Arcla laissaient entendre que le lotissement des Fleurs du Maynieu comprenaient 18 lots et non 15.

D’où l’interrogation légitime des enquêteurs : le coût de l’aménagement a-t-il été répercuté sur 15 ou 18 lots ? Les documents saisis hier fourniront sans doute un embryon de réponse avant que le lotisseur et le maire soient interrogés. Il est certain aussi que l’enquête va s’attacher à déterminer quel a été le rôle de Ludovic Freygefond, tout au long du déroulement d’un projet qui fait l’objet de plusieurs délibérations aussi bien du Conseil municipal du Taillan que de la Communauté urbaine de Bordeaux. Des travaux d’infrastructures réalisés par la CUB et votés par le maire du Taillan-Médoc ayant « incontestablement valorisé le cadre de vie des habitants du lotissement ».

(Florence Moreau et Dominique Richard)