C'est une figure du Parti socialiste en Gironde qui est tombée à l'audience. Lors du procès, mercredi 25 mars 2015, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux qui l'a condamné à un an de prison avec sursis et deux ans d'interdiction de droit civiques pour harcèlement moral, Ludovic Freygefond, ex-numéro un du PS girondin jusqu'en novembre 2014, a dû dévoiler son attirance, et surtout son obsession destructrice pour un autre homme : son ancien directeur de cabinet à la mairie du Taillan-Médoc.
« J'étais éperdument amoureux de ce garçon », reconnaît-il à la barre. Au fil de plus de 330 e-mails directs et directifs adressés à Alexandre Metzinger, l'élu a quitté le champ politique et professionnel pour gagner un terrain plus personnel et intime : il se révèle alors envahissant, pesant, cru, intrusif, insistant voire menaçant et tyrannique.
Il y exprime ses sentiments, mais aussi les faveurs sexuelles qu'il souhaiterait que son directeur de cabinet lui accorde ; se fait parfois cajoleur – comme lorsqu'il fait miroiter la succession à la mairie à son subordonné –, mais aussi inquiétant, comme en 2012, lorsqu'il dissuade le jeune homme de chercher un poste politique en Gironde.
Contraint de démissionner
La présidente, Cécile Ramonatxo, le dispense de la lecture publique et embarrassante des messages. Ils constituent la base de la plainte déposée en septembre 2012 par la victime, Alexandre Metzinger, qui, pour se protéger de ces assauts lancés à toute heure, n'avait trouvé d'autre solution que de démissionner.
« Il n'a jamais vraiment dit stop. Il y a des réponses à mes mails qui ne sont pas dans le dossier », assure Ludovic Freygefond. Après avoir encensé en privé l'objet de son « amour », il le dénigre publiquement à l'audience. Avant d'entrer dans la chronique judiciaire, il a pourtant un temps occupé le devant de la scène politique locale.
Maire du Taillan-Médoc depuis 2001, il a finalement été sanctionné dans les urnes en 2014, ne conservant que son mandat de vice-président du conseil régional – sa seule source de revenu à l'heure actuelle. Ludovic Freygefond était aussi le premier secrétaire fédéral du parti socialiste girondin. Un poste dont il a démissionné en 2014, suite à une condamnation à dix-huit mois de prison avec sursis et à cinq ans d'inéligibilité pour prise illégale d'intérêts et corruption passive.
Explosion de son couple
L'édile avait un poids politique, le pouvoir de peser sur l'avenir de certains collaborateurs, de faire et défaire des carrières. A plusieurs reprises, il a donc promis un bel avenir politique à son poulain, programmé pour lui succéder à la mairie du Taillan-Médoc. Coincé entre la volonté de plaire professionnellement et le harcèlement de son patron, l'ambitieux Alexandre Metzinger d'alors explique avoir alterné pirouettes, silences et mises au point pour calmer les ardeurs de Ludovic Freygefond, aux côtés duquel il est resté près de trois ans, pour le ramener et le contenir dans un cadre professionnel.
Tous ces mails l'ont indéniablement perturbé. Restait aux enquêteurs de la division des affaires criminelles de la Direction interrégionale de la police judiciaire de Bordeaux, à démontrer si ces écrits ont été de nature ou non à dégrader les conditions de travail d'Alexandre Metzinger, élément constitutif de l'infraction de harcèlement moral.
Dépression, explosion de son couple, démission, route vers un nouveau poste dans la politique barrée : pour Me François de Contencin : « C'est du harcèlement moral et plus si affinités. » Désignant son client, replié sur lui-même sur le banc des parties civiles, reconverti dans le théâtre « pour reprendre sa respiration », le conseil parle de « fracas ». « Il n'est pas animé par un esprit de vengeance, il veut juste se reconstruire ».
70 000 euros de dommages et intérêts
L'avocat, tout comme le vice-procureur Jean-Louis Rey, a relevé que c'est bien pour « harcèlement sexuel » qu'aurait dû être jugé l'élu, prévention non retenue en raison du vide juridique qui subsista quelques mois, en 2012, entre l'abrogation de ce délit, et la promulgation d'une loi redéfinissant le harcèlement sexuel.
Au titre des préjudices matériel et moral, le tribunal a accordé près de 70 000 euros de dommages et intérêts à l'ex-directeur de cabinet.
Les six mois de prison avec sursis requis par le vice-procureur étaient déjà de trop pour la défense. Me Jean Gonthier a soutenu jusqu'au bout que le dossier était « plus nuancé et moins unilatéral qu'on ne veut bien le laisser croire ». Fustigeant « la vision caricaturale de l'accusation », assurant que « les rapports entre ces deux hommes étaient plus ambigus qu'il n'y paraît. Cela relevait en tout cas de la sphère privée, cela n'avait pas à être déballé sur la place publique, car cela ne constitue absolument pas une infraction pénale ».
Se déclarant « atterré mais combatif » à l'issue de l'audience, Ludovic Freygefond a déjà annoncé son intention de faire appel.